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Assignation en responsabilité du liquidateur judiciaire par les salariés licenciés

Affaires - Commercial
06/03/2021
Ne peut rejeter les demandes d’indemnités des salariés licenciés par le liquidateur de la société débitrice – défaillant dans le respect des obligations légales – l’arrêt écartant toute perte d’une chance de reclassement pour absence d’éléments de nature à étayer l’affirmation des salariés alors que ceux-ci produisaient des éléments de preuve qui auraient pu être écartés en raison de leur caractère estimé non probant mais non parce que ces éléments étaient inexistants.
Selon l’article 455 du code de procédure civile, tout jugement doit être motivé.
 
La Cour de cassation rappelle ce principe dans le cadre d’une action en responsabilité exercée par les salariés d’une société mise en liquidation à l’encontre du liquidateur de cette dernière.
 
La société X… ayant été mise en sauvegarde le 10 août 2009 puis en redressement judiciaire le 17 août suivant, la procédure collective avait été convertie en liquidation judiciaire le 18 septembre 2009. Le liquidateur nommé avait alors procédé au licenciement économique de cent treize salariés et quatre-vingt-dix-sept d'entre eux avaient contesté leur licenciement devant le conseil de prud’hommes.
 
L’AGS ayant contesté le jugement rendu, la cour d’appel, par décision du 17 janvier 2013, avait dit ces licenciements sans cause réelle et sérieuse en raison de l'insuffisance du plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) et du non-respect de l'obligation de reclassement et elle avait fixé les créances de dommages-intérêts des salariés au passif de la société débitrice. Le 29 octobre 2013, certains de ces salariés avaient assigné le liquidateur en responsabilité, en demandant sa condamnation à leur verser des dommages-intérêts (a priori, le paiement de la différence entre les dommages-intérêts alloués par l’arrêt du 17 janvier 2013 et les sommes effectivement versées par l'AGS).
 
Par jugement du 3 septembre 2015, leurs demandes avaient été rejetées. Faisant valoir que la faute du liquidateur, défaillant dans le respect des obligations légales, leur avait causé un préjudice, dont la perte d’une chance de retrouver un emploi, les salariés avaient formé appel de cette décision.
 
Pour sa part, le liquidateur concluait à l'absence de préjudice au motif que ce n'était pas son éventuelle faute qui avait interdit aux salariés de percevoir l'intégralité des sommes allouées par la cour d’appel mais l'existence du plafond de l'AGS et soutenait que la preuve de la perte de chance d'être reclassés n'était pas rapportée.
 
Chances sérieuses de reclassement
 
Confirmant le jugement, la cour d’appel a rejeté les demandes d'indemnités des salariés (CA Grenoble, 1re ch. civ., 2 juill. 2019, n° 17/03729, Lamyline).
 
Ayant retenu que la preuve de l’existence d’un préjudice n’était pas rapportée, les juges du fond ont écarté toute perte d'une chance pour les salariés de profiter d'un reclassement en retenant que, faute pour eux d'avoir apporté des éléments de nature à étayer leur affirmation, il devait être considéré que, même si les recherches entreprises par le liquidateur avaient été jugées insuffisantes, leurs chances d'être reclassés étaient quasi nulles.
 
Reprochant à la cour d’appel de ne pas avoir d'examiné concrètement les éléments produits, de nature à démontrer l'existence d'une chance sérieuse des salariés d'être reclassés dans une entreprise textile de la région concernée, les salariés se sont pourvus en cassation.

Production d’éléments de preuve
 
Sur ce point, la cour d’appel a statué en violation de l’article 455 du code de procédure civile. En effet, énonce la Cour de cassation, "les prétentions des salariés s'appuyaient expressément sur les motifs de l'arrêt du 17 janvier 2013, lequel rappelait que la région Rhône Alpes comptait six cents quatre-vingt-quinze établissements employant quinze mille cinq cents salariés, que le plan de sauvegarde de l'emploi présenté lors de la réunion du comité d'entreprise du 28 septembre 2009 était insuffisant au niveau de la recherche de reclassements externes et que trois entreprises, dont les dénominations avaient été communiquées au liquidateur à l'occasion de cette réunion, n'avaient pas été contactées, de sorte que ces salariés produisaient des éléments de preuve qui auraient pu être écartés en raison de leur caractère estimé non probant, mais non parce que ces éléments étaient inexistants". D’où cassation partielle de l’arrêt.
 
La Cour de cassation rejette le moyen qui tend à inverser la charge de la preuve de la perte de la chance pour les salariés concernés de retrouver un emploi si le liquidateur avait correctement rempli son obligation de reclassement, cette charge pesant sur les salariés.
 
Pour aller plus loin
Sur le licenciement pour motif économique des salariés dans le cadre de la liquidation judiciaire, se reporter aux nos 4131 et s. de l’édition 2020 du Lamy droit commercial.
Source : Actualités du droit