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Actes notariés en Alsace-Moselle : la Cour de cassation clôt le débat

Civil - Procédure civile et voies d'exécution
01/07/2020
Énonçant les conditions que doit remplir un acte notarié établi en Alsace-Moselle afin qu’il constitue un titre exécutoire, l’article L. 111-5 du Code des procédures civiles d’exécution a suscité bien des interrogations. Dans un arrêt rendu le 25 juin 2020, la Haute juridiction rapproche les règles applicables à l’Alsace-Moselle de celles qui s’appliquent de façon générale.
 
Par acte notarié en date du 21 févier 2000, une banque consent deux prêts hypothécaires à un couple.
Le 2 novembre 2017, la banque a fait signifier un commandement de payer à fin d’exécution forcée immobilière d’un bien appartenant à l’époux. Le 20 décembre de la même année, elle a requis la vente par voie d’exécution forcée de cet immeuble en recouvrement des sommes restant dues au titre des deux prêts hypothécaires.
Par ordonnance du 20 juillet 2018, le tribunal d’instance de Metz (tribunal judiciaire depuis le 1er janvier 2020) a rejeté cette requête.

La banque interjette appel. En vain, la cour d’appel de Metz confirme l’ordonnance en cause. Elle forme alors un pourvoi en cassation.

Elle soutient qu’en « jugeant néanmoins qu’à défaut de disposition transitoire relative à l’article 108 de la loi du 23 mars 2019, la nouvelle rédaction de l’article L. 111-5 du code des procédures civiles d’exécution n’était entrée en vigueur qu’au lendemain de sa publication au Journal officiel et que le Crédit foncier de France ne pouvait s’en prévaloir dès lors que sa requête en exécution forcée avait été soumise au tribunal antérieurement à cette date, la cour d’appel a violé l’article 108 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 par refus d’application ».  Pour rappel, ce texte énonce notamment les conditions qu’un acte notarié doit remplir pour constituer un titre exécutoire. Ces dispositions concernent spécifiquement les actes notariés d’Alsace-Moselle.

Ce premier moyen ne prospère pas. La Haute juridiction indique que « Les actes d’exécution étant antérieurs au 25 mars 2019, la cour d’appel en a exactement déduit que le litige était soumis à l’article L. 111-5, 1°, du Code des procédures civiles d’exécution, dans sa rédaction antérieure à la loi du 23 mars 2019 ».

La banque soutient également que les juges auraient violé les articles L. 111-2, L 111-5 et L. 111-6 du Code de procédures civiles d’exécution en refusant de faire droit à la requête au motif « que la créance pour laquelle la vente forcée des biens était poursuivie par le Crédit foncier de France ne se trouvait pas suffisamment déterminée dans l’acte notarié servant de fondement aux poursuites dès lors qu’il était nécessaire d’établir un décompte intégrant des éléments postérieurs tels que la déchéance du terme acquise, le solde rendu exigible, augmenté des intérêts échus et de l’indemnité forfaitaire calculée sur ce solde, cependant que la nécessité d’établir un tel décompte n’était pas de nature à retirer à l’acte de prêt en cause le caractère d’un acte notarié ayant pour objet le paiement d’une somme d’argent déterminée ».  

La Haute juridiction rappelle que la jurisprudence interprétant l’article L. 111-5, 1°, du Code des procédures civiles d’exécution, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, prévoit que les actes notariés ne peuvent servir de titre exécutoire qu’aux conditions suivantes :
- ils doivent avoir pour objet le paiement d’une somme déterminée (et non pas seulement déterminable) ;
- le débiteur doit consentir à l’exécution forcée immédiate.

Une jurisprudence sur laquelle s’appuie l’arrêt attaqué. Rappelant que cette interprétation a pu susciter, outre des controverses doctrinales, des divergences entre les cours d’appel de Metz et de Colmar, la Cour de cassation estime qu’une nouvelle analyse s’impose.  « En modifiant l’article L. 111-5, 1°, du Code des procédures civiles d’exécution, la loi du 23 mars 2019, même si elle n’est pas applicable en l’espèce, a modifié le texte en vue de mettre le droit local en conformité avec les règles applicables sur le reste du territoire national » précise la deuxième chambre civile.

Sur la base d’un rapprochement entre les règles applicables en droit local et celles relevant du droit général, la Haute juridiction estime que constitue un acte exécutoire (au sens de l’article L. 111-5, 1°, du Code des procédures civiles d’exécution, alors applicable) : « un acte notarié de prêt qui mentionne, au jour de sa signature, outre le consentement du débiteur à son exécution immédiate forcée, le montant du capital emprunté et ses modalités de remboursement permettant, au jour des poursuites, d’évaluer la créance dont le recouvrement est poursuivi ».

Par conséquent, c’est à tort, que pour rejeter la demande de vente par voie d’exécution immobilière forcée, la cour d’appel a retenu que « la créance invoquée à l’appui de la mesure d’exécution forcée immobilière ne résulte pas de cet acte, sauf à devoir la déterminer, une fois la déchéance du terme acquise, par le solde rendu exigible, augmenté des intérêts échus, des intérêts à courir et de l’indemnité forfaitaire calculée sur un solde qui n’est pas encore fixé ». En statuant de la sorte, elle a donc a violé l’article L. 111-5, 1°, du Code des procédures civiles d’exécution.
 
 
 
 
 
Source : Actualités du droit